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Le malade imaginaire
Revu par Joanick Jullien

Suite à l’affaire du Médiator, le metteur en scène du Tréteau des deux tours (T2T), Joanick Jullien, réactualise la pièce de Molière. Présentée pour la première fois en novembre 2011, son adaptation met en scène comédie musicale, situations comiques saisissantes et personnages attachants. La finalité molièresque n’en est pas pour autant négligée : le malade imaginaire reste toujours aussi ridicule et son interprétation toujours aussi salvatrice.

Joanick Jullien injecte un sang neuf à la pièce de Molière. Choix innovant mais non étonnant, le metteur en scène transpose les comédies ballets présentes dans la version du dramaturge par de la comédie musicale. Le répertoire chanté est tour à tour jeune, dynamique ou connu du public. Un mélange qui assure la participation volontaire du public. Joanick Jullien a, quand l’occasion s’est présentée, lui-même écrit les paroles, insufflant une bonne dose d’humour. "Allo maman bobo" prend des allures scatologiques et l’apparition de la comédienne Muriel Folio (Béline) en infirmière sexy s’accorde avec l’interprétation du "mambo du Médico". Le ton léger adopté pour renouveler la pièce permet d’éviter les lourdeurs que pourraient susciter ses farces.
Autre fait singulier, la double casquette du metteur en scène. Quand Joanick Julien ne dirige pas sa troupe, il la houspille sous les traits d’Argan, le malade imaginaire. Le pari du vieux grincheux hypocondriaque est réussi. A la fois un père froid et intransigeant, un mari avide de sa femme, un homme qui n’entend raison que quand on lui suggère que l’idée vient de lui ; la personnalité farfelue mais non moins attachante d’Argan est habilement rendue par Joanick Jullien. Dans son fauteuil roulant, le malade en grenouillère, ne cesse de courir vers les cabinets afin d’évacuer les effets des lavements et des purgatifs tout en peinant et soufflant. Entre mimiques enfantines et manières d’un homme vieillissant, Argan nous agacent dans ces instants de plaintes, nous émeut lorsque, fermant les yeux comme un enfant, il joue à feindre la mort. Joanick Jullien nous offre toutes les facettes de son talent de comédiens.
Le sens d’ubiquité développé par l’acteur-metteur en scène s’avère concluant. Les comédiens ont fidèlement, mais de manière insolite, interprété la pièce de Molière. Une réelle complicité émane du duo Argan- Toinette ce qui permet au spectateur d’ajouter foi à leurs disputes où la servante prend souvent le dessus. Véritable femme de tête, Toinette ne se laisse pas faire lorsqu’ Argan tente de la frapper à coup de canne.
Cependant, le comique que devrait provoquer la famille Diafoirus est contrebalancé par un jeu maniéré maladroit du père. Pour le fils, le choix du maquillage est excessif. Les répliques et les mimiques - Thomas se dégonfle comme un ballon de baudruche quand il s’exprime et cela rappelle l’attitude des érudits, se suffisaient à elles-mêmes pour convoquer l’hilarité des spectateurs. Somme toute, Thomas Diafoirus a su séduire le public grâce à son costume. Le comédien s’est incarné en un « pauvre garçon » myope – il confond Béline et Angélique, ridicule à souhait : habillé d’un bermuda écossais et des lunettes à triples foyer. La raideur d’origine du comédien renforce le comique de situation.
Quand à Angélique, son rôle est contrasté par son costume et ses dires. Vêtue d’une robe fleurie à volant et coiffée de deux petites couettes maintenue par des barrettes, Angélique ressemble à une enfant malgré un discours très émancipé.

Enfin, Le final est à l’image et à la hauteur de toute la pièce. La troupe réunie autour d’Argan et déguisée d’une blouse et d’un masque de chirurgien, entame le dernier chant, le célèbre Oh happy day. Une fin réjouissante.

Elza Rougier et Carole Garnier