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A propos de l'auteur

  • Athénaïs Louis

    Étudiante en 2ème année de licence de Lettres modernes à l’université de La Rochelle.

Accueil || Licence de Lettres || Tocqueville || "Tyrannie de la majorité" dans "De l’omnipotence de la majorité aux Etats-Unis et de ses effets" Chapitre VII (T.1)

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Dans ce chapitre, Tocqueville s’intéresse à la notion d’opinion et plus précisément à ce qu’il appelle « la tyrannie de la majorité ». On peut dès lors se demander ce qu’il entend par cette expression. Est-ce propre au régime démocratique ou non ? Peut-on empêcher la tyrannie de se développer ?

Tout d’abord, il prend comme point de départ une maxime qu’il qualifie de manière négative par le rythme binaire « impie et détestable » (p.375). Celle-ci repose sur le principe de la majorité du peuple qui possède dès lors tous les droits. Toutefois, Tocqueville poursuit en posant un paradoxe, car ce principe est celui qu’il place à « l’origine de tous les pouvoirs » (p.375). De là, naît une question rhétorique de Tocqueville qui apparaît d’ailleurs plus sous la forme d’une introspection : « Suis-je en contradiction avec moi-même ? » (p.375) Il précise ensuite que la justice est universelle car elle n’est pas propre à la majorité des peuples mais à la majorité de tous les hommes, ce qu’il résume ainsi : « La justice forme donc la borne du droit de chaque peuple. » (p.376) Il accorde une grande importance à la justice car pour lui, elle devrait prévaloir sur la majorité. En effet, il explique qu’il ne remet pas en cause le principe de la majorité, mais que dans le cas d’une loi qui ne lui paraît pas juste, il refuse de s’y conformer même si c’est la majorité qui l’a décidé ; d’où son appel de la souveraineté du peuple à celle du genre humain. Il est nécessaire de bien considérer sous l’angle de la justice une loi et ne pas seulement se fier à l’opinion de la majorité. Cela rejoint l’extrait intitulé « Effets de la tyrannie de la majorité sur le caractère national des Américains ; de l’esprit de cour aux États-Unis » toujours dans le même chapitre où il dit « (…) la majorité possède un empire si absolu et si irrésistible, qu’il faut en quelque sorte renoncer à ses droits de citoyen, et pour ainsi dire à sa qualité d’homme, quand on veut s’écarter du chemin qu’elle a tracé. » (p.385) Il pose alors le problème de l’individu face à la majorité contre la minorité. Pour lui, il n’est pas bon de donner tous les pouvoirs à la majorité comme en témoigne cette citation : « (…) le pouvoir de tout faire, que je refuse à un seul de mes semblables, je ne l’accorderai jamais à plusieurs. » (p.376) Tocqueville traite ensuite du gouvernement mixte qu’il voit comme « une chimère ». Il ne peut le concevoir car il y a toujours un principe qui prend le dessus sur l’autre. Il donne l’exemple de l’Angleterre du dernier siècle où c’était le cas, l’aristocratie dominant la démocratie. Une société qui adopterait un gouvernement mixte irait à sa perte dans le sens où soit cela la mènerait à entrer en révolution soit elle se dissoudrait. Tocqueville reconnaît la nécessité d’un souverain pouvoir mais il faut prendre des précautions pour modérer son action sinon la liberté se trouve mise à mal. Il fait d’ailleurs référence à Rousseau et son Contrat social pour qui la toute-puissance dépasse l’homme, seul Dieu peut en être revêtu ; Tocqueville la décrit lui comme « une chose mauvaise et dangereuse » par ce rythme binaire négatif (p. 377). La tyrannie peut se développer dans n’importe quel régime (monarchie, république) et par quiconque (roi, peuple) dès lors que celui qui la possède a le droit de tout faire. C’est ainsi que dans une démocratie, on peut parler de tyrannie quand la majorité qui l’emporte ne reconnaît pas les droits de la minorité. De ce fait, la démocratie qui devait lutter contre la tyrannie peut la favoriser rien qu’avec la majorité et sans la présence d’un souverain tyrannique s’il n’y a pas d’autres possibilités que de s’y soumettre sans en évaluer les conséquences. Tocqueville illustre cela avec l’exemple des États-Unis où toutes les formes de pouvoirs relèvent de la majorité. Il est donc impossible de résoudre une injustice, il ne reste qu’à se contraindre à la loi établie. Toutefois, il précise qu’en Amérique, la tyrannie n’est pas chose fréquente mais qu’il existe peu de solutions pour y remédier.
Tocqueville ne veut pas forcément supprimer la majorité mais organiser à juste titre le pouvoir de la majorité pour ne pas laisser de place à la tyrannie.
Cet extrait se révèle être vraiment représentatif de la méthode de travail de Tocqueville car on peut constater qu’il pose des problèmes, fait des observations et en tire des conclusions tout en faisant part ici de son opinion.