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Accueil || Licence de Lettres || Licence Pro || Théâtre || Interview de Joanick Jullien, metteur en scène du Malade Imaginaire

Après avoir assisté aux répétitions puis à la pièce, nous avons pu poser nos questions à Joanick Jullien, metteur en scène du Malade Imaginaire et également interprète du personnage d’Argan, le fameux malade.

Pourquoi avoir choisi de mettre en scène le personnage d’Argan ?

C’est un projet que je portais depuis longtemps. Il y a trois pièces de Molière que j’aime beaucoup : Dom Juan, celle que je préfère et deux comédies ballets, Le Bourgeois Gentilhomme et Le Malade Imaginaire qui me semblent être facilement adaptables et qui sont toujours d’actualité. On a monté Le Bourgeois Gentilhomme en 2005 pour les 50 ans de la compagnie et comme on alterne entre pièces classiques et pièces plus contemporaines, Le Malade Imaginaire arrivait à point nommé, d’autant plus que je trouvais que l’actualité lui donnait une présence encore plus grande dans la mesure où il y avait l’histoire des laboratoires Servier. Je me suis souvenu d’une réplique de la pièce où Bérald (ndlr : le frère d’Argan) dit à son frère que les malades ne meurent pas de leurs maladies mais de leurs remèdes et cela a activé encore plus l’envie de monter cette pièce-là.

Comment avez-vous écrit et choisit les différentes chansons de la pièce ?

Pour moi, c’était un parti pris. On avait voulu le faire pour Le Bourgeois Gentilhomme mais cela n’avait pas pu se faire et on avait mis de la danse. Pour transposer à notre époque l’équivalent de la comédie ballet, il fallait le faire à la manière d’une comédie musicale et mettre des chansons. Mais il fallait surtout des chansons qui avaient un rapport avec le texte donc j’ai cherché des chansons qui parlaient de docteurs, de malades et de maladies. Il y en a un certain nombre qui sont venues facilement et pas mal qui ont été écartées assez vite aussi car elles n’apportaient pas grand chose comme Je suis malade de Serge Lama. Celles qui se sont imposées d’entrée ont été Allo Maman Bobo, La Scarlatine et Je ne suis pas bien portant de Gaston Ouvrard. Il fallait ensuite changer les paroles pour qu’elles s’adaptent à la pièce donc j’ai écrit des paroles qui parlaient soit du malade soit de Molière. Pour la chanson de la fin, je voulais mettre une danse sur la musique, un peu comme un flash mob, mais on a pas eu le temps de travailler dessus. Par contre, les blouses faisaient penser à un gospel donc on est parti sur une chanson de ce style pour terminer la pièce. Cela a été un long cheminement pour arriver à ces chansons.

Pourquoi avoir infantilisé le personnage d’Angélique par son costume, sa coiffure, sa façon de parler ?

Ah...Infantilisé, je ne sais pas. Je n’ai pas eu l’impression de l’infantiliser, autant au sujet d’Argan, je comprends mais Angélique, je ne trouve pas. Si c’est par rapport au costume, j’ai laissé le champ libre à la costumière, Annick. Elle avait choisi cette petite robe à volants pour lui donner un aspect « fille à papa », obéissante et sage. On voit bien qu’elle cherche à s’émanciper et c’était sûrement pour faire ce contraste.

Comment avez-vous travaillé sur le personnage de Thomas, son costume, ses déplacements.. ?

J’ai beaucoup travaillé sur le personnage de Thomas, et surtout avec son interprète. Quand j’ai relu la pièce, j’ai vu tout de suite que c’était un personnage ridicule que Molière avait crée et la visite des Diafoirus est un moment drôle de la pièce. Il fallait donc pousser un peu le ridicule de ce personnage, car Toinette l’annonce comme tel dans la pièce et si il avait été assez commun, cela aurait été décevant. Mon idée de départ était la culotte de golf, à la Tintin. On a un peu changé le pantalon mais pas le tissu. Je l’avais aussi vu myope car je me disais qu’on pouvait trouver beaucoup de gags visuels, il pouvait confondre les personnes. Ensuite, il a fallu trouver une démarche ridicule. Le personnage est un pauvre garçon que son père a du mal à marier. Il fallait que ça apparaisse. On a cherché beaucoup de démarches. Il faut aussi s’adapter au comédien. Ici, il était un peu « raide » donc on a exploité cela par la suite.

Pourriez-vous nous en dire plus sur les costumes, notamment celui de l’infirmière ?

Ah oui, celui-là a été le sujet d’un long débat ! Je ne voulais pas trop aller dans cette direction mais comme c’était une parenthèse dans la pièce, Philippe (Percot-Têtu, le directeur d’acteurs) a vraiment insisté. Et comme Muriel n’était pas contre, on l’a fait. C’est un clin d’œil au fantasme sur les infirmières et cela permettait un jeu avec le malade. Cela collait aussi avec la chanson donc nous avons pris cette direction sans remords ni regrets. (rires) Apparemment, personne ne nous a trop blâmé pour ça.

Quelle scène a été la plus difficile à travailler, en tant que metteur en scène et en tant qu’Argan ?

Il y en a eu pas mal. On a beaucoup travaillé la visite des Diafoirus car il y a beaucoup d’éléments à enchaîner dans cette scène et beaucoup de travail à faire avec Thomas. Il y a eu aussi la scène du petit opéra entre Cléante et Angélique, il nous a fallu du temps pour le caler correctement. Il y a aussi des choses qui se sont mises en place très facilement. La scène entre Toinette et Argan a changé pas mal de fois, on a modifié plusieurs scènes au dernier moment. Après visionnage des répétitions, il y a eu beaucoup de choses qu’il fallait retravailler et modifier. Paradoxalement, la scène finale est venue assez vite. Il y en a qui viennent vite et d’autres qui demandent plus de recherches et de tâtonnement. Mais c’est surtout la scène des Diafoirus qui a demandé le plus de travail. Je n’en suis même pas encore très satisfait mais ce sera pour la prochaine version, au mois de Septembre.

Comment avez-vous géré la double casquette de metteur en scène et comédien ?

Je l’avais déjà vécu mais quand je fais des mises en scène, j’essaye de ne pas jouer, ou alors, avec peu de personnages. Là, j’avais très envie de jouer ce personnage qui me plaisait beaucoup, et j’ai un petit côté hypocondriaque. J’avais déjà fait ça avec une pièce où les personnages étaient sur scène deux par deux donc je pouvais faire la plupart de la mise en scène facilement. Pour cette pièce, la caméra était utile mais surtout l’œil extérieur de Philippe qui m’a aidé à prendre des décisions adéquates. Cela a été une bonne collaboration, une expérience très positive.

Y a-t-il une différence entre un public exclusivement étudiant qui a vu les répétitions et un public normal ?

Non, il n’y a pas plus de stress que d’habitude. Il y avait juste par rapport à vous un questionnement que j’ai toujours d’ailleurs. J’avais une sorte d’appréhension, après avoir vu les répétitions, laborieuses pour certaines, j’étais surpris que vous ayez quand même envie de venir voir le spectacle. J’avais surtout une inquiétude, je me demandais si ça allait correspondre à ce à quoi vous vous attendiez. Surtout que le théâtre ne fonctionne que s’il y a du public car il y a des rendez-vous comiques qui sont recherchés et si il n’y a pas de réaction, le soufflet retombe.

Quels sont vos projets, les pièces que vous allez monter ?

Je n’en ai pas dans l’immédiat. Il y avait une pièce que j’avais envie de monter mais la comédienne n’est pas disponible. Je voudrais monter une pièce avec peu de personnages avant de me relancer dans une pièce avec beaucoup de personnages. Pour l’instant, je ne sais pas. Je profite de ce petit succès qu’on a qui est la récompense d’un an de travail et c’est toujours agréable d’avoir des retours positifs. On va la reprendre au mois de Février, avec des représentations aussi un peu partout dans le département. Puis, on reprendra en Septembre ou Octobre au Tréteau. Philippe va aussi monter une pièce donc il faut bien laisser la place. Pour l’instant, mes projets sont vagues, pas du tout définis.