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Etudier les formes en - ant revient à étudier le participe présent, l’adjectif verbal et le gérondif. Si aujourd’hui on distingue ces trois catégories par des critères précis, il n’en était pas de même en ancien français, où le participe présent pouvait s’accorder et où le gérondif n’était pas nécessairement précédé de la préposition en. Si l’infinitif est la forme nominale du verbe, le participe en est la forme adjectivale. Le verbe au participe conserve sa nature verbale sur le plan syntaxique car il peut recevoir des compléments. Le gérondif est quant à lui la forme adverbiale du verbe : dans la phrase, il occupe la fonction de complément circonstanciel.

Les gérondifs :

§254, l. 33 - 36 : « Saichiés que je sui uns laborans de terre et main ma charue, et en labourant et en cultivant ma terre aquier jou le vivre et le soustenement de mes enfans. » : Sachez que je suis cultivateur et que je mène ma charrue, et qu’en labourant et en cultivant ma terre j’acquière de quoi vivre et de quoi pourvoir à la subsistance de mes enfants.

Le gérondif a ici la fonction de complément circonstanciel de manière. Idem dans l’exemple suivant :

(1) Vaut P3 du verbe voloir.

§ 254, l. 20 : « Et li rois li otroie tout sourriant : et le roi la lui accorde en souriant : complément circonstanciel de manière.

§ 263, l. 3-5 : « Quant les tables furent ostees, Gavains vait prendre congiet a son oncle et a ses freres, et il li dounent tout em plourant » : Quand on eut enlevé les tables, Gauvain alla demander à son oncle et à ses frères la permission de partir et ils la lui donnèrent tout en pleurant » : complément circonstanciel de manière.

§ 286, l. 1-2 : « Ensi parlant vont tant chevauchant tout un chemin de traviers une forest » : Tout en parlant de la sorte, ils firent route le long d’un chemin qui traversait une forêt (Traduction de S. Marcotte, Champion 2006, p. 446). Le gérondif parlant est complément circonstanciel de manière de « vont (…) chevauchant » ; vont (…) chevauchant : le gérondif est ici complément circonstanciel de manière de « vont ».

§ .291, l. 38 - 41 : « Ja Diex n’ait merchi de m’arme se je en ai merchi, car il m’ ochist mon frere et voiant mes iex, ne onques ne m’en vaut (1) escouter la u ge li crioie mierchi tout en plorant. » Que Dieu n’ait jamais pitié de mon âme si j’ai pitié de lui car il a tué mon frère devant mes yeux, et il n’a jamais voulu m’écouter lorsque je lui demandais pitié en pleurant.

Aler + gérondif :

§ 243, l. 3-5 : « Mi baron me voelent chascun jour blasmer et vont blasmant et honnissent de chou que je ne prenc feme » : Mes vassaux se targuent chaque jour de me condamner, ils me font honte et me reprochent de ne pas me marier. Le périphrase verbale marque ici l’aspect itératif : les vassaux du roi ne manquent pas de lui faire des reproches tous les jours !

§ 259, l. 39-44 : « Et lors saut avant uns chevaliers qui laiens mengoit, si prent le braket et vint a son cheval qui estoit en mi la court et monte sus , et s’en vait a tout le braket si grant oirre(1) coume se tous li mons le cachast (2) et vait disant a soi meismes que bien a faite la besoigne pour coi il vint a court » : Alors, un chevalier qui mangeait là, d’un bond prit le braque, alla vers son cheval, qui était au milieu de la cour, et l’enfourcha ; il s’en alla rapidement avec le chien, comme si le monde entier était à ses trousses, en se disant à lui-même qu’il avait bien accompli la besogne pour laquelle il était venu à la cour.

(1) : Note de G. Roussineau : « si grant oirre » : rapidement, à vive allure.
(2) : Note de G. Roussineau : « cachier, chacer : poursuivre, chasser écarter, éloigner ; se cachier : se protéger, éviter les coups ;

Les procès des verbes vait et disant sont simultanés. La forme aller + gérondif est très fréquente en ancien français ; elle forme une périphrase verbale. Dans cet exemple, le verbe aller conserve toutefois son sens plein : l’action de partir est effective. Dans l’exemple suivant, aller + gérondif forme une périphrase verbale aspectuelle :

§ 262, l.2 : « et celé vait toutes voies criant au roi Artus » : tandis que (pendant que) celle-ci criait de toutes ses forces au roi Arthur.

§ 259, l. 22-23 : « si les avoit tous descouplés et les aloit huant et esmovant apriés le chierf. » : elle les avait tous détachés et elle les excitait et les poussait derrière le cerf.

§ 267, l. 4-6 : « Et Gavains , qui les vint ataignant les commenche a crier et a huer aprés le chierf » : Et Gauvain, les ayant rejoint [les chiens], il se met à leur crier dessus et à pousser des cris en direction du cerf. Ici aller conserve son sens de verbe de mouvement ; le verbe au gérondif indique le but du déplacement. Il ne s’agit pas ici d’une périphrase verbal. Le gérondif est ici un complément circonstanciel.

§ 283, l. 3-5 : « Et neporquant jou euusse gringnour mestier d’aler ma voie que de laissier, car je ne sai quel part je trouverrai chou que je vois querant. » : Cependant, il m’aurait été bien plus utile de poursuivre mon chemin que de l’abandonner car alors je ne saurais pas de quel côté trouver ce que je suis en train de chercher.
Le verbe aller est un semi-auxiliaire d’aspect. Elle marque l’aspect progressif (le procès est en train de se développer).

Survivance de ces périphrases : voir La Fontaine, Le Loup et l’Agneau, « Que je me vas désaltérant ».

§ 310 l. 23-26 : « Et quant vous fustes armés et montés, vous l’en vausistes porter avoec vous, mais elle ne vaut, ains s’en torna fuiant si coume elle pooit et vous maudissoit moult durement » : Une fois armé et remonté à cheval, vous avez voulu l’emmener avec vous, mais elle a refusé et elle est repartie en fuyant le plus vite possible, vous maudissant de toutes ses forces. (Traduction de S. Marcotte, éd. Champion 2006, p. 485).

Les participes présents :

§ 253, l. 4-7) : « A l’ endemain, si tost coume li rois fu levés et li baron commenchierent a assambler el palais, atant es vous venir sour un maigre et las ronchin trotant un vilain qui amenoit un sien fil » : Le lendemain, comme le roi venait à peine de se lever et que les seigneurs [on peut traduire par vassaux] de sa cours commençaient de s’assembler dans le palais, voilà qu’arrive, au trot d’un cheval de somme décharné et poussif, un paysan qui amenait un de ses enfants [On peut traduire par "fils"]. (Traduction de S. Marcotte, édition Champion, 2006, p. 398).

Trotant est épithète de « ronchin » ; il conserve sa construction de verbe intransitif. Le participe présent ne traduit pas qualité du « ronchin » mais montre un procès (celui du verbe troter) en train de s’accomplir. (Ceci pour bien différencier l’adjectif verbal du participe présent et du gérondif, qui, lui, occupe la fonction de complément circonstanciel).

286, l.15-16 : « il trueve en un moult riche lit une damoisele dormant toute seule sans compaignie » il trouve sur un lit somptueux une demoiselle qui dormait seule sans la moindre compagnie. Le participe présent montre le procès du verbe dormir en train de s’accomplir. La traduction à l’imparfait permet de conserver l’aspect duratif du participe présent.

§ 294, l. 39-41 : « Nennil voir, dist Merlins, ains estoit une pastorele que li rois trouva en une praerie ses bestes gardant. » : en vérité non, répondit Merlin ; c’était une bergère que le roi trouva dans une prairie en train de garder ses bêtes. Aucune ambiguïté possible sur la nature de gardant : il s’agit bien d’un participe présent puisqu’il peut régir des compléments (ici, un complément d’objet : « ses bestes ».)

§ 304, l. 4-7 : « Et maintenant se remist en chemin entre lui et la damoisele, et chevauchierent le petite ambleure tout souef, parlant de che qu’ il voloient, tant qu’ il vinrent a Camalaoth droit a eure de viespres. » : Il se remit en route aussitôt, avec la demoiselle, et ils menèrent leurs chevaux au au petit trot, tout doucement, parlant de choses et d’autres, si bien qu’ils arrivèrent à Camaalot juste au moment où sonnaient les vêpres. (Traduction de S. Marcotte, éd. Champion, 2006, p. 474).

Les adjectifs verbaux :

Ils peuvent être attributs de l’objet, apposés ou épithètes.

§ 252, l. 8 : « au jour que vous espouserés le vaillant Geneuvre » : le jour que vous épouserez la vaillante Guenièvre.

§ 254, l. 13 : « pour coi je soie poissans dou douner ». Voir aussi § 243 : « si poissans hom comme vous estes » ; § 301 : « li rois Artus est si poissans »

§257, l.12-13 : « tu seras li plus vaillans des rois crestiiens.

§ 262, l. 7 : « Vous en estes aussi voir disant coume vous estes de vos autres paroles. » voir disant est ici attribut du sujet « vous ». (Traduction : Comme à l’accoutumée, vous avez dit vrai. Mot à mot : vous êtes disant vrai (= infaillible) à ce propos, comme vous l’êtes de vos autres paroles).

§ 266, l. 15-17 : « Nennil, fait cil, par droit, tant coume je voelle la mellee, et je la demanc, pour coi on vous tenroit a mauvais et a recreant(1) se vous seur che vous en aliés. » : Non, répondit l’autre, pas si (« tant coume ») je veux le combat à l’épée (« la mellee »), c’est la règle (« par droit »), et je le demande, aussi (« pour coi ») vous tiendrait-on pour un chevalier indigne et lâche si vous vous en alliez là-dessus. (Traduction de S. Marcotte, éd. Champion 2006, p. 419).
(1) : recreant, de recroire : se fatiguer, faiblir ; Greimas : forcer à s’avouer vaincu, vaincre ; renoncer à la lutte ; s’avouer vaincu, se soumettre.

§ 267, l.11-12 :  » Et lors voient devant eus en une plaigne une forterece moult bien seant (1), close de murs et de fossés » : ils [Gauvain et Gaheriet] voient alors devant eux, dans une plaine, une superbe forteresse entourée de murs et de fossés.
(1) seant : bien seant : bien assis ; qui a bel aspect, fière allure (Notes de G. Roussineau).

§ 295 l.38-39 : « elle se claimme maleuree et chaitive, la plus dolante d’autres damoisieles » : elle se déclara infortunée et misérable, la plus malheureuse des jeunes filles.

§ 299, l. 3 : « Et elle respont toute tramblant » : et elle répond(it) toute tremblante.

Prépositions issues de participes présents :

voiant :

§ 257 l. 16 : « Et ses tu de quoi ? De che que je te ferai hommage et devenrai orendroit tes hom voiant tous tes barons » : voiant, note de G. Roussineau : participe présent employé absolument équivalent à une préposition : devant, en présence.

§ 258, l. 25 : « se vous le me loés, jou sui pres que jou l’aille orendroit occhirre voiant tous chiaus de laiens. » si vous me le demandez, je suis près à aller sur-le-champ devant tous ceux qui sont ici.

§ 260, l. 15-16 : « Et li rois li creante voiant tous ses barons k’ i la tendra. »Et le roi lui promis, devant tous ses vassaux, qu’il la tiendrait [la promesse de suivre la coutume édictée par Merlin, à savoir qu’aucun chevalier ne pourra quitter la table sans avoir mangé].

§ 281 l.1 : « Quant il ot tel serement fait voiant le roi et ses barons » : Quand il entendit qu’un tel serment était prêté devant le roi et ses vassaux ».

§ 291 l. 39-40 : « Ja Diex n’ ait merchi de m’ arme se je en ai merchi , car il m’ ochist mon frere et voiant mes iex » : Que Dieu n’ait jamais pitié de lui si j’ai pitié de lui car il a tué mon frère devant mes yeux.

§ 297 l. 15-17 : « car je l’ alai prendre voiant le roi Artus et voiant toute sa compaignie » : (la traduction de Marcotte dans La Suite du roman de Merlin, Paris, Champion, 2006) : « car je suis allé l’enlever sous les yeux du roi Arthur et de tous ses compagnons »

oiant :

§ 253, l. 14-15 : « et cil salue le roi et dist oiant tous cheus de la court » : il [le paysan] salua le roi et dit devant tous ceux de la cour.

§ 280, l. 1-2 : « l’ une d’ elles parole oiant tous chiaus de laiens et dist a Gavain : » l’une d’elles prend la parole devant toutes les personnes présentes et dit à Gauvain.

§ 294, l. 9-10 : « Et maintenant commencha a conter oiant tous les compaignons de la Table Reonde tout chou qui avenu li estoit » : Et le jeune homme commença aussitôt à raconter devant les compagnons de la Table Ronde tout ce qui lui était arrivé.

§ 309, l. 39-41 : « Mais se elle ne veult encore recounoistre verité de chou que je li demanc , je le vous conterai oiant li » : Mais si elle ne veut toujours pas dire la vérité sur ce que je lui demande, je vous la dirai devant elle. (Traduction de S. Marcotte, Champion 2006, p. 483).

Expressions lexicalisées avec en + ant :

§ 268, l. 58 - 62  : « Si l’a tant mené que chis ne le puet ja plus endurer, car trop a ja pierdu dou sanc et est teuls atornés que a painnes se puet il soustenir ne tenir en estant, et la place estoit toute ensanglentee par ou il aloit, car assés avoit plaies et grans et parfondes. » : Gauvain dominait tant et si bien son adversaire que celui-ci n’en pouvait plus car il avait déjà perdu beaucoup de sang ; il était tellement mal en point qu’il pouvait à peine se tenir debout et qu’il laissait derrière lui de larges traces de sang tant ses blessures étaient larges et profondes.

estant vient du verbe latin stare, être debout. Dans le dictionnaire de Greimas, il est précisé que en estant signifie immobile.

Attention !

-  atant : sur ce, alors, maintenant (voir Glossaire de l’édition de G. Roussineau), à ce moment (Greimas) :

§ 253, l. 4-7 : « A l’ endemain, si tost coume li rois fu levés et li baron commenchierent a assambler el palais, atant es vous venir sour un maigre et las ronchin trotant (1) un vilain qui amenoit un sien fil » : Le lendemain, comme le roi venait à peine de se lever et que les seigneurs de sa cours commençaient de s’assembler dans le palais, voilà qu’arrive, au trot d’un cheval de somme décharné et poussif, un paysan qui amenait un de ses enfants. (Traduction de S. Marcotte, édition Champion, 2006, p. 398).

(1) Pour l’analyse de trotant, voir plus haut.

§ 254, l. 14 : « Et cil si saut errant de son ronchin » : errant signifie aussitôt, tout comme erraument, erranment, erramment ; errant est un adverbe.

- itant : annonce une proposition subordonnée complétive (voir note de G. Roussineau) ; pour itant : pour cela. Faire itant que : faire en sorte que. Dans Greimas, [Dictionnaire de l’ancien français (Larousse) : itant adj. indique une équivalence quantitative : aussi nombreux. Adv. : autant ; alors, maintenant. Entre itant que : pendant que ; por itant : à cause de cela, c’est pourquoi.

265, l. 23-24 : « Mais, pour Dieu, itant me dites quel part vous veistes le blanc cherf aler » : Mais au nom de Dieu, dites-moi de quel côté vous avez vu partir le cerf blanc (mot à mot : mais au nom de Dieu, dites-moi ceci, à savoir de quel côté avez-vous le cerf blanc partir).