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A propos de l'auteur

  • Alva-Ines Rodriguez

    Étudiante en 2ème année de licence de Lettres modernes à l’université de La Rochelle.

Accueil || Licence de Lettres || Tocqueville || « Ce qui fait pencher presque tous les américains vers les professions industrielles ».

De la démocratie en Amérique d’Alexis de TOCQUEVILLE, chapitre XIX « Ce qui fait pencher presque tous les américains vers les professions industrielles ». Se référer au tome 2, aux pages 215 à 220 de l’édition Folio Histoire.

Ce chapitre s’ouvre sur le thème de l’agriculture, et sur le fait que cet art est un de ceux qui se développent le plus lentement dans les pays démocratiques. En effet, Tocqueville souligne le fait que l’agriculture, en dehors des pays démocratiques, est réservée aux plus riches et aux plus pauvres d’une nation : les premiers ont assez de ressources pour négliger l’intérêt financier de l’agriculture tandis que les seconds n’ont que ce moyen pour subsister. Cet exemple signale une grande inégalité. Mais pourquoi l’homme rechercherait-il à faire du profit ? Pour Tocqueville la raison est l’attrait des « jouissances matérielles », un homme étant « presque toujours mécontent de sa fortune » quelle que soit l’importance de ses biens. La recherche de jouissances matérielles touche les hommes qui souhaitent améliorer leur sort. Cette « jouissance matérielle » amène un appétit grandissant et conduit la population à quitter le travail de la terre pour se tourner vers l’industrie et le commerce, secteurs plus florissants, que Tocqueville qualifie de « professions hasardeuses mais lucratives ». Ainsi, c’est l’égalité présente dans les pays démocratiques qui fait augmenter le nombre d’hommes avides de « jouissances matérielles ». En effet, tous ont sous les yeux des hommes tentant de poursuivre leur propre rêve et leur propre profit. Il serait donc logique qu’ils les imitent alors à leur tour. Ainsi, notre réflexion nous amène à l’idée suivante : un pays démocratique serait alors synonyme de commerce et d’industrie et donc de modernité. Pour aller plus loin nous pouvons nous interroger de la manière suivante : si la démocratie donne la liberté au peuple, ne le rend-t-elle pas esclave par ailleurs de ses désirs personnels de richesse ? Mais n’est-ce pas de ces désirs personnels que la nation se crée et se modernise en faisant évoluer des professions nouvelles (ici dans le commerce et l’industrie) ?
On poursuit ensuite la lecture pour remarquer que, contrairement à la société française où règne l’aristocratie, les gens recherchent l’aisance financière bien que celle-ci ne mène pas au pouvoir dans une nation démocratique. Ainsi il n’est pas rare que des riches se tournent vers le négoce, chose inimaginable dans la société féodale française où l’importance de leur rang refuse aux aristocrates d’agir selon leurs envies, et ce malgré leur autorité toute puissante. Dans les sociétés démocratiques, les aristocrates, éloignés du pouvoir, et ne sachant que faire de leur temps, se tournent vers le négoce, ce qui leur donne un statut spécial. On peut alors se demander si le fait d’appartenir au monde du commerce qui ne connaît « rien de plus grand ni de plus brillant » et qui « attire les regards des public » ne va pas à l’encontre de l’égalité et ne met pas en danger la démocratie.
Mais pourquoi se porter vers le commerce ? La population choisit le commerce pour le gain qu’il promet mais aussi pour le hasard de l’entreprise. On peut alors s’interroger sur ce choix : cette recherche de l’incertitude et du danger de l’imprévu se ferait-elle dans le but de démontrer la fin du déterminisme social face à l’égalité et le commencement de l’ère du « self made man » où chaque individu est désormais maître de son destin ?

Tocqueville fait ensuite remarquer qu’il n’est pas « de peuple sur la terre qui ait fait des progrès aussi rapides que les Américains dans le commerce et l’industrie ». En effet les membres de la nation américaine, égaux dans leur richesse, puisque les « grandes fortunes » sont rares, ont réussi divers exploits permettant de plier la nature à leur volonté et cela à une vitesse époustouflante. Mais cette forte industrialisation serait impossible sans la présence, non de quelques grandes entreprises, mais d’une « multitude innombrable des petites entreprises ». Et s’ils continuent de cultiver la terre, par le coton et la canne à sucre, ils le font toujours dans un esprit de profit que l’on trouve dans leur « esprit du négoce » et « leurs passions industrielles ».
La démocratie et l’envie de « jouissance matérielle » sont-elles un accélérateur de la modernité et de l’essor du pays, essor à la fois économique et social ? La description de l’industrie et du commerce américain souligne le fait que l’égalité permet un travail productif. Ainsi si l’association de chaque citoyen donne un travail productif, peut-on espérer un effet aussi positif par l’association des citoyens dans la politique démocratique du pays ?
Ces explications démontreraient alors que c’est la recherche de ces « jouissances matérielles », que l’on qualifie souvent d’égoïsme ou de vice, qui permettrait un développement rapide du pays. Cependant le chapitre se clôt sur la mise en relief d’une des difficultés que pose ce mode de fonctionnement : ainsi, si tous les citoyens s’occupent du commerce et de l’industrie, ces derniers subissent des influences très nombreuses qui peuvent mener à des « crises industrielles » courantes dans « les nations démocratiques » et desquelles peut découler une certaine instabilité.